Gestion des débiteurs et défaut de paiement dans un contexte B2B
 03/03/2022 | Articles
Gestion des débiteurs et défaut de paiement dans un contexte B2B

Une gestion méticuleuse des débiteurs est cruciale pour la santé financière de votre entreprise. Si vous êtes souvent confronté à des retards de paiement ou à des mauvais payeurs, vous courez le risque que votre entreprise elle-même ne puisse plus faire face à ses obligations de paiement. Un effet domino classique.

Dans cet article, nous abordons 9 questions fréquemment posées sur les défauts de paiements et les recouvrements.

 

Q 1 : Puis-je empêcher les défauts de paiement ?

La première étape est la prévention. Dans l'idéal, il faut cartographier les liquidités de vos clients ou prospects et vous ne contractez tout simplement pas (plus) avec des parties douteuses, ou du moins sous des conditions supplémentaires. Toutefois, la réalité économique fait que ce n'est pas toujours une stratégie réalisable. Vous avez peut-être déjà une vaste clientèle avec laquelle vous travaillez depuis des années, ou vous n'avez peut-être tout simplement pas la liberté d'être sélectif. Il n'est alors pas facile de changer soudainement les conditions. En outre, la cartographie de la liquidité de votre clientèle n'est pas seulement une tâche très laborieuse, mais aussi une tâche presque impossible sans les connaissances nécessaires et l'accès à une documentation. Il existe des sociétés spécialisées dans ce domaine : moyennant paiement, elles fournissent des informations sur la solvabilité des prospects. Cela peut être très utile dans certains cas - pensez à un nouveau partenaire commercial où les intérêts financiers sont importants - mais peut rapidement vous coûter beaucoup d'argent.

Par conséquent, les défauts de paiement ne peuvent pas être complètement évités. La question reste alors de savoir comment les traiter. C'est exactement ce qu'est la gestion des débiteurs. Cet article traite de l'aspect juridique de la gestion des débiteurs dans un langage compréhensible. Avant d'aborder la question du traitement d'un délai de paiement dépassé, il convient d'examiner brièvement le délai lui-même. Le délai légal de paiement est le délai dans lequel une facture émise doit être payée. Tant que le paiement est effectué dans ce délai, il n'est pas question d'un quelconque défaut de paiement. Votre client a donc payé à temps.

 

Q 2 : Puis-je décider de la date d'échéance du paiement ?

Contrairement au passé, à partir du 1er février 2022, il n'est plus possible de déterminer contractuellement le début du délai de paiement. La loi prévoit que le délai de paiement commence à courir à partir du moment où la facture est reçue par le débiteur, sauf si la facture précède l'exécution ou la livraison effective. Dans ce cas, le délai de paiement commence à courir après la livraison ou l'exécution.

Bien que la loi ne fournisse pas d'informations supplémentaires sur les éventuels litiges relatifs à la réception de la facture, on peut supposer que la jurisprudence de la cour de Cassation en la matière continue de s'appliquer. Le délai commence à courir à la réception ou, à défaut, au moment où l'on aurait raisonnablement reçu la facture. Par conséquent, un débiteur ne peut pas s'échapper en déclarant simplement qu'il "n'a jamais reçu la facture et que le délai de paiement ne commence donc pas à courir". Il est important que le créancier soit en mesure de prouver, ou du moins de rendre très plausible, l'envoi de la facture.

 

Q 3 : Le délai de paiement est-il toujours de 30 jours ?

L'idée prévaut parfois, à tort, que le délai de paiement est légalement fixé à 30 jours après réception de la facture. Ce terme est en effet utilisé dans la loi sur les retards de paiement mais ne s'applique pas dans toutes les situations. La règle des 30 jours est donc une règle supplétif : elle n'est appliquée que si les parties n'ont pas conclu d'accord sur les conditions de paiement.

Votre entreprise peut donc, sans aucun problème, conclure d'autres accords sur l'étendue du délai (par exemple, quinze jours au lieu de trente). Les paiements immédiats - un délai de 0 jour - sont également possibles. En principe, ces dérogations sont valables et contraignantes tant que le consentement de l'autre partie peut être démontré.

Il est donc fortement recommandé non seulement de prévoir un délai dans vos conditions générales, mais aussi de veiller à ce que vos factures soient accompagnées de vos conditions générales ou d’un extrait.

Cela ne signifie pas pour autant qu'en tant qu'entreprise, vous pouvez imposer n'importe quel délai de paiement via vos conditions de facturation ou vos conditions générales. La loi prévoyait auparavant un délai maximal de 60 jours pour les factures dont une PME[1] est le créancier et une non-PME le débiteur. Suite à un changement de la loi, cette limitation a été étendue à toutes les entreprises (PME ou non).

La modification législative a donc conduit à un délai de paiement général maximum de soixante jours pour les transactions commerciales. Suite à cette modification de la loi, vous ne pouvez plus stipuler que vous paierez la facture d'un fournisseur plus tard que soixante jours calendriers. Un de vos clients ne peut pas non plus stipuler qu'il vous paiera plus tard que soixante jours.

Si vos conditions générales prévoient un délai de paiement plus long, cette clause sera considérée comme "non écrite", ce qui signifie que le juge n'en tiendra pas compte. Votre paiement hors délai sera donc considéré comme tardif, même si vous l'aviez prévu contractuellement.

Q 4 : Quelles sont les conséquences juridiques du non-paiement ?

Si le délai de paiement est dépassé - et donc s'il y a non-paiement - diverses conséquences juridiques en découlent. Cela dépend à nouveau du statut du mauvais payeur : entreprise ou consommateur.

Dans le cas des entreprises, le créancier a "de plein droit" (c'est-à-dire automatiquement, sans qu'aucune démarche ne soit nécessaire et même si vous n'avez rien stipulé dans vos conditions générales) droit au paiement des intérêts au taux majoré et à une indemnité forfaitaire de 40 euros pour vos propres frais de recouvrement.

Les intérêts moratoires ont pour objet de réparer le préjudice causé par le défaut de paiement (art. 1153 du code civil). L'indemnité forfaitaire compense (en théorie) les actions administratives de recouvrement de la facture. Ces deux droits naissent sans base contractuelle : même si vos conditions générales ne stipulent rien à cet égard, vous pouvez facturer des intérêts et un droit fixe et votre débiteur devra les payer.

Cela ne signifie pas que vous ne pouvez rien régler contractuellement : vous pouvez également régler contractuellement d'autres dommages suie au non-paiement et ce via une clause dite pénale (parfois aussi appelée clause punitive ou clause de pénalité). Vous devez toujours inclure ce point dans votre contrat.

L'indemnité forfaitaire de 40 euros n'est généralement pas accordée si vous utilisez un taux d'intérêt différent (taux d'intérêt conventionnel au lieu du taux légal). Un taux d'intérêt plus élevé peut être prévu dans vos conditions générales. Toutefois, si le taux d'intérêt est excessif, le juge peut le modérer.

Q 5 : Je ne suis pas payé à temps : dois-je aller au tribunal ?

R : En droit belge, les dettes sont portables et non quérables. Cela signifie qu'en tant que créancier, vous devez être derrières vos débiteurs. S'ils ne paient pas spontanément et à temps, cela signifie des efforts supplémentaires - du temps et de l'argent - de votre part. Toutes les demandes ne valent pas cela : c'est la réalité économique. Bien que l'on fasse preuve de beaucoup de compréhension envers les créanciers qui, par principe, entament un recouvrement judiciaire, une telle procédure comporte toujours divers risques. Avec certains revers, l'effort peut ne pas en valoir la peine. Aussi désagréable que ce message puisse paraître, dans certains cas, il s'agit d'arrêter les frais.

Pour faire cette évaluation correctement, il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Le premier facteur est la solvabilité du débiteur. Bien que les procédures judiciaires - si elles aboutissent - débouchent sur un titre exécutoire, de sorte que l'exécution forcée devient légalement possible, il faut aussi que le débiteur ait les fonds suffisants pour l'exécution.

Un débiteur insolvable reste insolvable, même si le tribunal vous donne raison. Vous vous retrouverez avec beaucoup de frais et de frustration et votre entreprise n'en tirera aucun avantage. Il est donc conseillé de préalablement cartographier la solvabilité du débiteur.

Un deuxième facteur est l'importance de la dette. Il va sans dire que si la dette est plutôt limitée, il est moins conseillé d'utiliser des techniques de recouvrement plus risquées. Les procédures judiciaires peuvent parfois entraîner des coûts inattendus, de sorte que l'effort n'en vaut parfois pas la peine. Il existe également des alternatives aux procédures judiciaires qui impliquent des coûts moindres.

Un troisième facteur consiste à vérifier dans quelle mesure le défaut de paiement peut être lié à un litige concernant la dette. Les défauts de paiement surviennent toujours dans un certain contexte : il peut y avoir un conflit plus large en jeu ou votre contrepartie peut arrêter les paiements pour des raisons délibérées. Le simple recouvrement de la dette peut alors s'avérer désastreux et ruiner une coopération potentiellement fructueuse.

La première démarche est donc rarement une démarche immédiate auprès du tribunal. Il est conseillé de tenter d'abord de recouvrer la dette à l'amiable. Cela s'applique également dans le cas d'une dette relativement faible, d'un litige ou d'un débiteur peu solvable. Le recouvrement à l'amiable est une procédure non judiciaire et purement administrative.

Q 6 : Comment dois-je procéder en cas d’un non-paiement ?

Si vos rappels n'aboutissent pas à un paiement, vous pouvez envisager de recourir à une procédure de recouvrement à l'amiable par une partie externe. Pensez à une agence de recouvrement, à un huissier ou, idéalement, à un avocat. Il existe plusieurs options en termes de rémunération du prestataire de services : un montant fixe, un pourcentage ou une succès fee.

Si le recouvrement à l'amiable s'avère également infructueux, il est préférable de procéder à un examen sur la base des facteurs susmentionnés. En cas d’une créance non contestée à l'encontre d'un débiteur solvable, la procédure RCI peut être utile. Dans les autres cas, il s'agira d'une procédure de recouvrement judiciaire.

 

Q 7 : Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour renforcer le recouvrement à l'amiable ?

Vous pouvez choisir d'augmenter la pression sur votre débiteur parallèlement à ce recouvrement en faisant usage de l'"exception d'inexécution" (ou "exceptio non adempleti contractus", souvent abrégée en ENAC). Cela signifie que vous suspendez votre propre
obligation en attendant le paiement. En particulier dans le cas d'un contrat de service, cela peut être une arme puissante. Même si vos conditions générales ne prévoient pas explicitement cette option, vous pouvez appliquer ce principe. Il est bien entendu conseillé d'inclure explicitement cette option dans vos conditions générales afin d'exclure toute discussion à ce sujet (clause de suspension ou clause ENAC). Cela vous donne également la possibilité de rationaliser le processus.

Il est important de noter que même si votre débiteur est en état de faillite dans l'intervalle, vous pouvez également appliquer l'exception au curateur. Vous ne pouvez pas être obligé de fournir des services sans être payé pour ceux-ci.

Q 8 : Qu'est-ce que la procédure RCI ?

Depuis 2016, cette procédure permet de recouvrir des dettes pécuniaires non contestées de manière extrajudiciaire si le créancier et le débiteur sont une entreprise. Si votre débiteur est un consommateur ou le gouvernement, cette procédure ne peut pas être utilisée. En outre, la procédure est facultative : vous pouvez choisir de saisir directement la justice si vous le souhaitez.

En bref, la procédure comprend les étapes suivantes. Tout d'abord, le dossier est remis à un avocat. L'avocat procédera à une première évaluation de l'absence de contestation et des documents qui étayent l'existence de la créance. Ensuite, l'avocat charge un huissier de signifier une mise en demeure à laquelle est joint un formulaire de réponse.

La balle est alors dans le camp du débiteur, qui a un mois pour prendre position. En substance, le débiteur peut adopter l'une des positions suivantes : payer la dette, demander un plan d’apurement ou contester la dette. Si la dette est contestée, la procédure RCI doit être clôturée. C'est donc le principal piège de la procédure : une opposition tardive peut réduire à néant les efforts antérieurs (et les frais, un huissier ne travaille pas gratuitement)[2]. Si vous êtes confronté à une contestation, la procédure judiciaire est la seule solution.

En ce qui concerne le plan d’apurement, il convient de noter que vous ne pouvez jamais être obligé, en tant que créancier, d'accepter un tel plan dans le cadre de la procédure RCI. En pratique, l'huissier de justice continuera à suivre le dossier, y compris les paiements mensuels. Cela aussi implique des coûts. Si le débiteur ne suit pas fidèlement le plan d’apurement, il est toujours possible d'obtenir un titre exécutoire pour le solde restant. Un plan d'apurement n'affaiblit pas votre position de créancier à cet égard. Il va de soi que la situation de liquidité de votre débiteur peut continuer à évoluer dans le temps, de sorte qu'un plan d'apurement n'est pas toujours le choix le plus intéressant.

Une limitation importante de la procédure RCI est la restriction des intérêts et des dommages et intérêts à 10% du montant total à récupérer.

Ce montant est nettement inférieur à celui que vous pourriez obtenir en cas de recouvrement juridique réussi. La procédure RCI n'est donc pas non plus nécessairement l'option la plus intéressante d'un point de vue financier, même si elle est parfois présentée comme telle.

Q 9 : Quand aller au tribunal ?

Il est parfois inévitable d'aller au tribunal. Cette décision doit être prise en toute connaissance de cause.

Chaque cas est unique et il n'est pas facile de répondre à la question de la meilleure stratégie. Sub Rosa Legal vous conseille volontiers sur la stratégie à adopter dans votre cas, où les facteurs de solvabilité, de taille et de litige sont complétés par des facteurs supplémentaires tels que l'urgence ou le caractère international. De cette façon, nous trouvons une stratégie qui correspond à vos besoins. Chez Sub Rosa Legal, nous appliquons la devise suivante : "amiable si possible, juridique si nécessaire".

 

 

[1] Aux fins de la présente loi, une PME est une "petite entreprise" au sens du Code des Sociétés et des Associations, en ce sens que les personnes physiques peuvent également être considérées comme des PME.

[2] Une contestation manifestement non fondée, dans laquelle le débiteur ne conteste que pour boycotter la procédure RCI et ainsi gagner du temps, peut conduire à des dommages supplémentaires pour le créancier dans la procédure judiciaire. La question de savoir si une contestation est ou non "manifestement infondée" est une considération que le tribunal fera. Le simple fait que la contestation soit déclarée non fondée par le tribunal ne signifie pas, bien entendu, que la défense était manifestement non fondée.

 

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