Les responsabilités des dirigeants de société ou association
 17/03/2022 |
Les responsabilités des dirigeants de société ou association

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code des sociétés et des associations ainsi que du livre XX du Code de droit économique, le régime des responsabilités dans les personnes morales a été remanié.

Les nouvelles règles sont dispersées entre les deux codes précités et le présent article va s’efforcer d’expliquer les responsabilités les plus importantes de manière à vous permettre, en tant qu’entrepreneur, de prendre les décisions adéquates quant à la gestion de votre entreprise afin d’éviter de devoir rendre des comptes en matière de responsabilité.

1. Règle générale

En matière de responsabilité dans les sociétés ou associations, la règle générale est que toute société ou association, est responsable des manquements de ses dirigeants.

Il s’agit en réalité d’une simple application du principe de la personnalité juridique. Une société ou une association est une personne morale, qui a sa propre personnalité juridique. Etant une personne morale, elle ne peut agir qu’à travers les personnes physiques qui la représentent, soit ses organes, qui sont donc le prolongement de la personne morale.

Cela signifie, que, lorsque les administrateurs d’une société, agissant dans le cadre de leurs fonctions, commettent des manquements, seule la société doit en principe être tenue responsable pour ceux-ci.

Il existe néanmoins une série de cas où la responsabilité des organes peut être directement mise en cause malgré que le fait reproché ait été accompli dans le cadre de l’exercice de sa fonction.

 

2. La responsabilité des fondateurs

A. Définition

En principe, les fondateurs d’une société sont ceux qui comparaissent à l’acte constitutif. Peuvent également être désignés comme fondateurs par l’acte constitutif, les actionnaires ou groupe d’actionnaires qui possèdent au moins un tiers du capital dans une société anonyme. 

B. Plan financier renforcé

Dans le Code des sociétés et des associations, l’obligation d’établir un plan financier a été renforcée. En effet, les fondateurs doivent désormais rédiger un plan financier plus détaillé comportant toute une série d’éléments dont le code exige la mention. Il s’agit de la contrepartie de la suppression de la notion de capital (pour les SRL et les SC) 

Il est donc très important de le rédiger de manière sérieuse et appliquée (il est d’ailleurs vivement conseillé de recourir à un expert-comptable), car le plan financier va permettre de déterminer le montant de capitaux propres nécessaires pour permettre à l'entreprise d'exercer ses activités pendant une période d'au moins deux ans et d’assurer que les fondateurs ont fait des apports suffisants en ce sens. Vous serez ainsi protégé en cas de faillite future.

 

C. Responsabilité des fondateurs

a. En cas d’insuffisance d’actifs

Dans le cas où le plan financier ne répondrait pas à toutes les exigences précitées, des lourdes conséquences ont été prévues par le Code des sociétés et des associations. En effet, la responsabilité des fondateurs peut être mise en cause si dans les trois ans suivant la constitution de la société, celle-ci était déclarée en faillite et que la preuve était rapportée qu’à la constitution, les fonds propres étaient manifestement insuffisants pour assurer une activité normale pendant les deux premières années.

Il y a donc un risque que les fondateurs soient tenus pour responsable des dettes de la société. En fonction de ces dernières, cette sanction peut être très lourde de conséquences pour les fondateurs.

Toutefois, pour qu’une telle responsabilité soit mise en cause, il faut que l’insuffisance des capitaux propres soit manifeste, au-delà de la simple erreur d’appréciation.

Du côté du fondateur, plusieurs arguments peuvent être mis en avant pour prouver le caractère suffisant du montant de capitaux propres apportés à la société.

Le meilleur élément de preuve à disposition des fondateurs est le plan financier. En effet, si le fondateur mis en cause arrive à démontrer que le plan financier a été établi de manière sérieuse, notamment parce qu’il a eu recours à un expert-comptable, qui a pris soin de traiter dans les détails les différentes mentions obligatoires à inclure dans le plan, les chances que le juge estime que les capitaux propres étaient insuffisants et étende la responsabilité des fondateurs seront amoindries.

Un autre moyen d’éviter la responsabilité des fondateurs est de rapporter la preuve que la faillite n’est pas due à une insuffisance de capital mais à des circonstances extérieurs (par exemple une crise dans le secteur ou encore la faillite du fournisseur principal) ou encore à une mauvaise gestion des administrateurs de manière à engager la responsabilité de ces derniers.  Le but est vraiment d’établir qu’au moment de la constitution, les capitaux propres prévus étaient suffisants pour couvrir les activités de la société pendant les deux premières années suivant sa constitution.

b. En cas d’irrégularités dans l’acte constitutif

En outre, les fondateurs sont également responsables de toutes les irrégularités affectant la constitution de la société ainsi que des dommages causés par celles-ci. Cela signifie que les fondateurs seront notamment responsables lorsque l’acte constitutif contient des informations fausses, comme par exemple un faux objet ou indique faussement que les apports ont entièrement été libérées alors que ce n’est pas le cas.

  

3. La responsabilité des administrateurs

A. La responsabilité selon le code des sociétés et des associations

Le régime de responsabilités des administrateurs est mis en place par l’article 2 :56. du Code des sociétés et des associations. Il ressort de cette disposition trois cas de responsabilités personnelles possibles pour les administrateurs d’une personne morale (société ou association) : a) la responsabilité pour faute de gestion , b) la responsabilité pour violation de la loi et des statuts et c) la responsabilité extracontractuelle des administrateurs.

 

a. La responsabilité pour faute de gestion

La faute de gestion peut être définie comme un manquement commis par l’administrateur dans l’accomplissement de sa mission,

L’administrateur d’une société ou association peut donc voir sa responsabilité être mise en cause en cas de faute commise dans le cadre de sa mission en tant que membre du conseil d’administration.

Seule la personne morale peut mettre en cause la responsabilité de ses administrateurs en se fondant sur une faute de gestion. L’action ne peut être introduite par un créancier.

Il convient toutefois de préciser que toutes les fautes de gestion ne provoquent pas une mise en cause automatique de la responsabilité. En effet, seul l’acte constitutif d’une faute de gestion qui excèdent manifestement la marge dans laquelle des administrateurs normalement prudents et diligents placés dans les mêmes circonstances peuvent raisonnablement avoir une opinion divergente peut justifier la mise en cause de la responsabilité.

En pratique, le juge se substitue à l’administrateur en cause et détermine marginalement si, au moment où la faute de gestion a été commise, celle-ci excède ou non la marge de manœuvre accordée à un administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. La faute doit également avoir causé un dommage.

Faire un mauvais investissement après avoir été prévenu qu’il s’agissait d’une opération très risquée, octroyer un prêt à des conditions très désavantageuses ou complètement se désintéresser de sa mission et négliger sa fonction sont des exemples de faute de gestion.

Comme indiqué ci-dessus, la responsabilité sera établie ou non selon l’interprétation du juge, qui dépend réellement des circonstances (situation financière de la société, urgence, la Covid, …).  Le simple fait de prendre une décision qui n’est pas nécessairement avantageuse pour la viabilité financière de la société n’est pas nécessairement suffisant pour engager la responsabilité des administrateurs sur base de l’article 2:56. du CSA.

Par exemple, le fait de d’octroyer un prêt à un tiers pourrait être plus ou moins sévèrement interprété par le juge selon la situation financière de la société. De la même manière, le fait de conclure un contrat à des conditions financières désavantageuses en période Covid pourrait ne pas être considéré comme une faute de gestion manifestement déraisonnable s’il apparait que ce contrat pourrait être la seule source de revenus de la société.

Enfin, lorsque l’administrateur fautif fait partie d’un collège – par exemple un conseil d’administration - , la responsabilité de l’ensemble du conseil d’administration est solidairement et indivisiblement mise en cause pour la faute commise[1]. La faute de gestion d’un administrateur engage donc la responsabilité de l’ensemble des membres du conseil d’administration.

Le seul moyen pour un administrateur d’être déchargé de cette solidarité est de prouver qu’il a dénoncé la faute de gestion à tous les autres membres de l'organe d'administration et qu’il n’a pas participé à la commission de celle-ci. Le simple fait d’avoir voté contre la décision n’est donc pas suffisant.

 

b. La responsabilité pour violation de la loi et des statuts

La responsabilité du conseil d’administration peut également être mise en cause, tant par la société que par les tiers, en cas de violation des statuts ou de la loi.

Il suffirait de démontrer que le conseil d’administration n’a pas respecté une disposition statutaire ou légale pour établir la faute qui entraine la responsabilité, à nouveau solidaire, du Conseil d’administration. Cela peut aller

Le non-paiement de cotisations à l’ONSS ou des impôts, la non-rédaction des procès-verbaux des réunions de l’Assemblée générale ou le non dépôt des comptes annuels sont des fautes qui entrent dans cette catégorie.

Il s’agit également d’une responsabilité solidaire entre tous les administrateurs de la société. De la même manière que pour la faute de gestion, le seul moyen pour un administrateur d’être déchargé de cette solidarité est de prouver qu’il a dénoncé la faute de gestion à tous les autres membres du conseil d'administration et qu’il n’a pas participé à la commission de celle-ci.

 

c. La responsabilité extracontractuelle des administrateurs

Un tiers peut également mettre en cause la responsabilité extracontractuelle d’un administrateur, sur base de ce même article 2 :56. alinéa 1er.

Cette responsabilité est une application de l’article 1382 du Code civil selon lequel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »

Si un tiers arrivait à démontrer que l’administrateur en cause ou le conseil d’administration a adopté un comportement contraire à l’obligation générale de prudence et de diligence, s’imposant à tous et que cela a lui causé un dommage, il pourrait mettre en cause sa responsabilité.

Il pourrait également arriver qu’une faute de gestion soit à la l’origine d’une faute extracontractuelle. Dans ce cas, le tiers ne pourrait engager la responsabilité extracontractuelle des administrateurs à condition que, d'une part, la faute extracontractuelle soit distincte de la faute de gestion et que, d'autre part, le dommage soit différent de celui causé par la faute de gestion.

Les conditions de mise en cause de responsabilité extracontractuelle sont identiques à celles qui s’appliquent en cas de faute de gestion, notamment en ce qui concerne la nécessité que la faute excède manifestement la marge dans laquelle des administrateurs normalement prudents et diligents placés dans les mêmes circonstances peuvent raisonnablement avoir une opinion divergente ou encore le système de solidarité entre les administrateurs.

 

d. Limitation de la responsabilité

Les articles 2 :57. du Code des sociétés et des associations ont mis en place un système de limitation de responsabilité des administrateurs.

Ce système institue des plafonds de responsabilité dont les montants varient en fonction du bilan de la société et de son chiffre d’affaires.

Plafond

Chiffre d’affaires moyen sur les trois dernières années

 

Total du bilan

125.000 €

Inférieur à 350.000 €

et

≤175.000 €

250.000 €

Inférieur à 700.000 €

et

<300.000 €

1 million €

Inférieur à 9 millions €

ou

<4,5 millions €

3 millions €

Supérieur à 9 millions €

et

>4,5 millions €

12 millions €

Supérieur à 50 millions €

ou

>43 millions €

  

Ces montants plafonnés s’appliquent tant pour les fautes de gestion, que pour les fautes extracontractuelles ou pour les violations de la loi ou des statuts pour autant que la faute est considérée comme légère et accidentelle. La responsabilité pour les fautes légères habituelles et les fautes graves continuent à être sans limitation.

 

B. La responsabilité selon le Code de droit économique

En matière de faillite, le livre XX du Code de Droit Economique prévoit notamment plusieurs cas dans lesquels la responsabilité personnelle des administrateurs et de manière générale, de toute personne ayant un pouvoir de gestion effectif au sein de la société, peut être engagée.

 

a. Responsabilité pour faute grave et caractérisée

La responsabilité personnelle d’un administrateur peut être engagée sur base de l’article XX.225 du CDE s’il est établi qu’il a commis une faute grave et caractérisée ayant contribuée à la faillite.

La faute doit être grave et caractérisée, c’est-à-dire que d’une part, toute personne normalement prudente et diligente doit nécessairement considérer le comportement fautif comme déraisonnable et d’autre part, le comportement doit être soit intentionnel, soit constitutif d’un dol.

La non tenue d’une comptabilité, le prélèvement d’importants montants par un administrateur, le manque de rigueur dans la gestion de la société, la fraude fiscale, la dissimulation d’une partie de l’actif sont des exemples de fautes graves et caractérisées susceptibles d’engager la responsabilité de l’administrateur concerné.

L’action en responsabilité ne peut être introduite que par le curateur ou tous tiers intéressés en cas d’inaction du curateur.

Pour apprécier s’il y a responsabilité, le juge devra :

1- établir la faute grave et caractérisée

2- déterminer la contribution de la faute à la faillite.

La responsabilité sera personnelle ou solidaire selon les circonstances. Autrement dit, si la faute n’est imputable qu’à un seul administrateur, il sera personnellement responsable. Si la faute est commune, le juge pourra estimer que d’autres administrateurs seront solidairement responsables.

 

b. Responsabilité pour avoir poursuivi une activité déficitaire

Un administrateur peut, en cas de faillite, être tenu pour responsable de tout ou partie des dettes de la société, sur base de l’article XX.227 de CDE, lorsqu'il savait ou aurait dû savoir qu’il n'y avait aucune chance raisonnable d'amélioration pour la société ou ses activités et donc aucune chance d'éviter la faillite et a malgré tout poursuivi l’exercice des activités de l’association.

Seul le curateur peut poursuivre en responsabilité sur base de cette disposition.

Pour que la responsabilité soit mise en cause, il faut que la poursuite déficitaire soit fautive c’est-à-dire qu’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances n’aurait jamais poursuivi les activités de la société dans ces conditions.

 

c. Responsabilité pour les dettes envers l’ONSS

Un administrateur peut également être tenu personnellement ou solidairement de tout ou partie des dettes sociales dues au moment de la faillite si au cours de la période de cinq ans qui précède la faillite, il a été impliqué dans au moins deux faillites ou liquidations d'entreprises dans lesquels les dettes sociales n’avaient pas été payées.

 

[1] La responsabilité solidaire implique que chaque administrateur pourra être tenu pour  responsable de l’intégralité des conséquences dommageables des décisions du conseil d’administration.

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